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Regards croisés : 20 ans d’animation jeunesse dans les vallées du Jura bernois et du Jura

Les intervenants de ce forum de très grande qualité, où le très fort intérêt des auditeurs a compensé leur petit nombre

La responsable du CAJ, qui a innové jeudi dernier, revient sur un forum d’une grande qualité

Nous avons eu l’occasion, durant le forum qui s’est tenu au centre communal de Péry, d’appréhender l’évolution de l’animation socioculturelle dans le champ de la jeunesse ces 20 dernières années dans notre région. Les différents intervenant∙e∙s ont donc mis en lumière ce métier quelque peu hybride, selon la perspective des terrains dans lesquels ils∙elles interviennent.

Représentant le CJB (Conseil du Jura bernois), Peter Gasser rappelait à l’assemblée, peu nombreuse mais intéressée, quel rôle il remplit, en mettant l’accent sur les subventions qui peuvent être accordées aux projets portés pour et par les jeunes. Il soulignait également la collaboration étroite entre Jura et Jura bernois lors de la création du poste de déléguée interjurassienne à la jeunesse, qui a vu le jour en 2012, et est actuellement occupé par Samantha Ramos. Les tâches dévolues aux communes, dans la mise en place des prestations liées à la jeunesse, sont donc articulées par le canton, les volontés politiques, etc. 

Coordination et soutien

Le poste de déléguée sert de coordination pour les communes, qui peuvent trouver du soutien et des conseils avisés auprès de cette personne De plus, les centres d’animations jeunesse ou espaces jeunes peuvent faire appel à ses compétences et à sa position stratégique entre les terrains et les autorités, afin de faire connaître les besoins identifiés auprès ou par leur public. Grâce aux différentes interventions de Samantha Ramos, l’assistance a pu découvrir la plateforme jeunesse « Oxyjeunes » pérennisée, mais également le fort encouragement donné à la participation à la démocratie directe pour les jeunes (et moins jeunes), à l’aide d’outils et de projets tels que le « cyberparlement », « easy vote », etc.

Rappelons encore ici différents projets comme « une journée pour ta commune », « Agenda culturel » et les formations mises en place par le réseau interjurassien PROPAJ (promotion de l’animation jeunesse régionale).

Un accompagnement et un encouragement

Si l’autonomie, la participation, l’écoute active et la valorisation des compétences coloraient sa présentation de par leur mise en avant, Qendresa Latifi, animatrice socioculturelle au SEJAC (service de la jeunesse et des actions communautaires) de Moutier, psychologue et auteure de « L’accueil libre, une école de la démocratie » (disponible sur reiso.org) illustrait l’action concrète des professionnel∙le∙s pour accompagner et encourager leur public.

L’intervenante prenait l’exemple du goûter, précisant que la collation peut devenir un outil concret de responsabilisation (ce qui amusait l’assemblée principalement composée de professionnel∙le∙s comprenant à sa juste valeur ce propos qui peut paraître si anodin), et combien il est donc important de rendre compte de ce qu’il s’y joue en le décortiquant.

Des acteurs !

Lorsque l’on choisit, en groupe dans un centre de jeunesse, il faut être capable de « s’exprimer, d’écouter, d’arbitrer et de s’engager » (concept selon Bason, Kaufmann et Joye-2017). Par cet exercice, aussi anodin soit-il, les jeunes ou les publics expérimentent la citoyenneté et développent leur pouvoir d’agir. A travers la socialisation qu’ils∙elles vivent en se rendant à l’accueil libre ou en s’impliquant dans les projets participatifs, les usager∙ère∙s renforcent leur estime de soi et se sentent donc légitimés à proposer, à discuter, à être acteur∙ice∙s de leurs propres décisions.

Bien sûr, il y a, ce que l’on peut appeler une échelle de participation, tant dans les outils et les moyens mis en place pour y parvenir qu’au niveau des capacités des personnes à trouver leur place dans pareils processus. L’observation que peuvent faire les animateur∙ice∙s donne des indications quant aux niveaux d’appartenances des participant∙e∙s, à leurs contextes socioéconomiques, socioculturels, etc.

Un pont entre deux mondes

On soulignait encore jeudi dernier le travail d’interprétation qu’assument les professionnel∙le∙s entre la jeunesse et la municipalité, qui s’efforcent de trouver une manière pour que les deux mondes se rejoignent et qui se questionnent en permanence sur les meilleurs chemins pour amener leurs publics dans la vie sociale ?

Selon Qendresa Latifi, les enjeux actuels résident dans la numérisation et la circulation des informations, entre autres à travers les réseaux sociaux, l’insertion professionnelle, le glissement d’animateur∙ice jeunesse à animateur∙ice socioculturel avec de nouvelles injonctions cantonales telles qu’élargir les tranches d’âge du public à l’enfance (6 à 12 ans) ou aux citoyen∙ne∙s. Et de se questionner :  avec quels moyens remplir cet enjeu ?

Une activité de sens et non de résultats

Pour les animateur∙ice∙s, il demeure impératif de privilégier le sens de leur action plutôt que d’encourager la culture des résultats.  On ne le rappellera jamais assez, le processus l’emporte et avec lui l’accompagnement des trajectoires de vie.

Lorsqu’elle demandait aux adolescent∙e∙s présents à côté d’elle ce qu’ils∙elles viennent chercher au CAJ, ils∙elles répondaient : « décompresser dans un lieu où il n’y a pas la pression de l’école ou des parents ». Ils∙elles se retrouvent avec les copain∙ine∙s et bien que certains d’entre eux∙elles participent à la vie associative du village, ils∙elles ont « plaisir à aider les animatrices et à participer aux projets. Ça permet une coupure ».

Un héritage des actions paroissiales

Pour terminer ces riches échanges, Yuri Tironi, vice-doyen de la HETS et responsable de filière faisait un tour d’horizon de l’animation socioculturelle et des premiers espaces de jeunesse. Pour la région, c’est Neuchâtel qui officialise le premier Espace Jeunes en 1964.

Ces lieux sont un héritage de l’implication des paroisses dans ce domaine. D’ailleurs, notons que dans la région, les paroisses s’impliquent encore auprès de la jeunesse, de diverses manières et entre autres, pour le CAJ du Bas-Vallon, en demeurant membre de la commission. 

Cet ancien animateur souligne les importants partenariats qu’entretient la HES avec les différents terrains, permettant ainsi aux étudiants d’effectuer leur formation pour un tiers sur le terrain. Il remarque les nouvelles tendances de la formation à encourager les interventions des publics au sein même du cursus. Ajoutons à cela la transition écologique que l’école aborde à travers le développement durable depuis une bonne décennie. Comment fabriquer le discours approprié en lien avec cet aspect ?

Retour aux fondamentaux

Yuri Tironi constate également un retour aux fondamentaux, quelque peu oubliés ces dernières années, tels que la gestion des émotions, les thématiques liées à la sexualité ou encore le corps. Quant au métier, il faisait part des résultats de l’enquête « Animation socioculturelle enfance et jeunesse. Résultats de la première enquête nationale suisse » portée par la FHNW (Fachhochschule Nordwestschweiz Soziale Arbeit) pour le compte de l’AFAJ/DOJ (Association faîtière suisse pour l’animation socioculturelle enfance et jeunesse) que l’on peut trouver sur le site du GLAJ Vaud. Et l’orateur de noter que c’est l’un des seuls métiers du travail social qui a été professionnalisé par des hommes. D’ailleurs, il reste encore majoritairement masculin, tant dans le personnel employé que dans le public cible lui-même.

L’enquête relève qu’en Suisse, environ 2/3 des structures s’adressent aux jeunes et 25% s’adressent à toute la population.

Un des rares choix de plein gré

L’orateur insiste sur la notion de libre adhésion, car les centres, espaces de jeunesse ou maisons de quartier restent les seuls lieux du travail social où les usager∙ère∙s choisissent d’aller de leur plein gré.

Au regard de ce qui précède notons l’importance de la participation active des publics, plus particulièrement des jeunes, des citoyens et citoyennes qui, à travers les projets, les démarches participatives, leur investissement et leur implication, participent à ce que l’on appelle la vie en communauté, ou plus largement de la cohésion sociale.

Le CAJ profite ici de remercier la Commune de Péry-La Heutte pour avoir mis à sa disposition le centre communal et pour l’intervention du maire, Claude Nussbaumer, qui a su présenter le village sous bien des facettes avec beaucoup d’enthousiasme, en ouverture du forum. Les animatrices adressent également leur reconnaissance à toutes et tous les intervenant∙e∙s pour leur présentation et leur partage de qualité. | caj-graciana fornage